Depuis plusieurs années, la place de la bande dessinée est en extension dans le champ de la vulgarisation scientifique. Les sciences fondamentales et les sciences humaines et sociales font maintenant l'objet de collections dédiées au sein de diverses maisons d'édition de bande dessinée, qu'elles soient grand public ou alternatives. Dans le même temps, la recherche-création -dont Yves Citton écrit qu'elle « libère de l'usine (université) en permettant de jouer à l'artiste, comme elle émancipe du spectacle en invitant à jouer au savant » souffre et bénéficie conjointement d'un manque de définition et de limites méthodologiques floues, ouvrant la voie à de très nombreuses expérimentations. La bande dessinée pourrait-elle bifurquer vers cet axe dans un futur proche, en ouvrant une voie complémentaire à celle de la vulgarisation ? J'esquisserai ici des pistes de travail à ce sujet, plutôt qu'une théorie englobante. Le genre du reportage dessiné s'est imposé dans le champ de la bande dessinée contemporaine. De nombreuses revues la mobilisent pour raconter des enquêtes ou synthétiser une succession de faits d'actualité (XXI, Topo, La Revue Dessinée, etc.) Dans d'autres cas, c'est le récit autobiographique dessiné qui fait valeur de témoignage en s'inscrivant dans un contexte sociopolitique précis -on pense aux travaux de Guy Delisle, de Riad Sattouf, ou bien sûr d'Art Spiegelman. Récemment, la collection Sociorama est allée plus loin en proposant à des dessinateurs de concevoir des histoires dessinées portant sur des thèmes sociologiques en collaboration avec un comité scientifique. Les personnages y sont fictifs, et ces histoires ont vocation à vulgariser le contenu scientifique de la recherche sociologique. Si un « dialogue » interdisciplinaire est en cours, la stabilité du rôle du chercheur et de celui du dessinateur demeure.